Dans un courrier adressé à leurs confrères japonais, les avocats de Renault dénoncent les méthodes de l’enquête interne qui a visé Carlos Ghosn, révèle le Wall Street Journal le 05 février 2019.

Cette enquête, seule base d’accusation de Nissan et qui a conduit à l’arrestation de Carlos Ghosn, n’a pas eu recours à des moyens légaux selon les juristes.

Le courrier de 10 pages présente de nombreuses accusations de la part du conseil de Renault (le cabinet Quinn, Emanuel, Urquhart & Sullivan), auprès de leurs homologues qui travaillent pour Nissan (Latham & Watkins).

Premier chef d’accusation des juristes : le défaut d’information de Nissan auprès de Renault. Cela concerne aussi bien la tenue même de l’enquête que son suivi pour lequel Renault a été complètement mis de côté. Un élément moral contraire à l’accord de l’Alliance : le RAMA.

Plus grave, Renault ne tolère pas la conduite de Nissan auprès de salariés de la marque au Losange. E-mails à l’appui, les avocats français sont très dérangés par le fait que des salariés de Nissan se positionnent en bras armé du bureau du procureur de Tokyo.

« Nissan a contacté directement des salariés de Renault par téléphone ou par mail sans demander l’autorisation de Renault ou de ses conseils. Cela n’est pas compatible avec les normes et les règles en vigueur aux États-Unis, en France et ailleurs. Les managers de Nissan se sont présentés comme agissant en coordination avec le bureau du procureur, transformant ainsi de fait l’entreprise et son conseil en extension de ce dernier. Nissan a même proposé de payer les frais de voyage et d’hébergement à Tokyo des salariés sollicités ».

Les juristes français démontrent dans ce courrier que Nissan a tenté de contourner la loi française en faisant passer leur enquête privée comme enquête officielle conduite par le bureau du procureur. Par ailleurs, les actes les plus insistants auprès des salariés de Renault interviennent particulièrement lorsque les gardes à vue de Carlos Ghosn prennent fin en décembre 2018.

De plus, les avocats de Renault ne manquent pas de rappeler qu’ils n’ont jamais été informés que l’enquête de Nissan (et donc de Latham & Watkins) les avait conduit à vérifier également les rémunérations des cadres dirigeants de Renault. Et ce sans que Renault n’en soit informé.

Le rôle d’Hari Nada est également et une fois de plus, pointé du doigt. Notamment pour son implication très prolongée concernant tous ces sujets qui concernent Carlos Ghosn.

Enfin, le courroux de Renault s’explique surtout par la position conflictuelle du cabinet Latham & Watkins. Les intérêts de la firme américaine sont troubles puisque les avocats de Nissan sont amenés à travailler sur de nombreux sujets pour le Conseil d’Administration de Nissan. Et de conclure :

« Tout cela est plus une campagne politique qu’un exercice neutre de recherche de faits »

A ces accusations, Nissan aura une réponse laconique par la voix de son porte-parole :

« Les communications en question ne reflètent pas l’état actuel des discussions avec Renault et ses avocats. Nissan a toujours souhaité un dialogue ouvert et direct avec ses partenaires afin de contribuer à mettre au jour les faits pertinents ».

La vraie réponse tient sans doute au fait que, le jour de ces révélations, Nissan annonce la tenue de son assemblée générale extraordinaire, prévue le 08 avril 2019, et dont le principal sujet est la révocation de Carlos Ghosn.