Alors que les voix continuent à s’élever, avec notamment celle de Christian Estrosi, cadre de premier rang de la droite française, ou avec François Zimeray, avocat qui condamne le défaut de présomption d’innocence, Carlos Ghosn sort de son silence le 30 janvier 2019.

Depuis la prison de Kosugé, il rencontre, au parloir, 3 journalistes. D’abord le Nikkei puis, ensemble, l’AFP et les Echos.

Chronométrés pour 15 minutes, les échanges supervisés et consignés par un gardien de la prison n’empêchent pas Carlos Ghosn de s’exprimer pour faire entendre sa voix, à l’extérieur de sa cellule, pour la première fois depuis plus de 70 jours, et répondre aux questions des journalistes.

Par son témoignage, l’ancien patron va donner les détails de ce qu’il vit en prison et illustrer le système de justice de l’otage que d’aucuns dénoncent depuis quelques semaines.

Il explique, par exemple, qu’il est forcé de dormir avec la lumière allumée, qu’il n’a pas de montre, qu’il peut sortir sur le toit uniquement 30 minutes par jour et qu’il n’est pas autorisé à avoir des contacts avec sa famille.

Une torture psychologique et un traitement arbitraire que Carlos Ghosn observe également lors des interrogatoires par le bureau du procureur :

« Je me retrouve […] face à une armée de gens qui ne cessent de me jeter des horreurs à la tête. Il n’y a pas que les allégations du procureur, mais aussi celles de Nissan. Ils sortent énormément de faits de leur contexte. C’est une distorsion de la réalité pour détruire ma réputation. Chez Nissan, les gens qui sont au cœur des accusations sont aussi ceux qui font l’enquête. C’est tout de même très surprenant. Alors que moi, on me nie toute opportunité de bien me défendre. Je parle d’équité. »

Sur le fond, Carlos Ghosn réfute en bloc les accusations portées contre lui et clame son innocence. L’ancien dirigeant n’hésite pas à parler de complot et de trahison.

Précision utile, Carlos Ghosn rappelle que chaque yen qu’il a reçu a été déclaré et que les procureurs formulent aujourd’hui des accusations sur des sommes non-perçues.

De plus, Carlos Ghosn rappelle que les malversations financières qui font l’objet d’accusations envers lui étaient, contrairement à ce que Nissan prétend, des opérations connues de tous puisqu’elles engageaient un certain nombre de signataires.

Au fur et à mesure des questions des journalistes, il explique comment il souhaitait créer un holding qui aurait contrôlé Nissan, Renault et Mitsubishi et possédé la totalité des actions des groupes. En contrepartie, chaque entreprise aurait été jugée sur sa performance.

La baisse de performance de Nissan depuis deux années, combiné à un renforcement des forces conservatrices seraient, selon lui, ce qui a poussé les japonais dans la mise en œuvre des manœuvres pour le faire tomber.

Enfin, dans ces entretiens, Carlos Ghosn porte une charge violente contre Hiroto Saikawa qui n’était pas à l’abri d’un limogeage.

Des révélations qui permettent à Carlos Ghosn de poser les premiers éléments de sa défense et dont il ne déviera à aucun moment. Dans l’intervalle, les bons résultats de l’Alliance passent presque inaperçus. Et pourtant, l’Alliance est, pour la deuxième année consécutive, n°1 mondial (en volumes). Et c’est surtout l’œuvre de la stratégie mise en place par Carlos Ghosn.