Le jour de l’arrestation de Carlos Ghosn, les entreprises de l’Alliance adoptent une réaction diamétralement opposée. De manière très rapide et organisée, Nissan organise une conférence de presse et condamne immédiatement Carlos Ghosn, là où Renault est, de son côté, plus prudent.
Le soir du 19 novembre 2018, Renault indique par la voix de ses administrateurs une réunion rapide et que « dans l’attente d’informations précises émanant de Carlos Ghosn, Président-Directeur Général de l’entreprise, les Administrateurs consultés expriment leur attachement à la défense de l’intérêt du groupe Renault dans l’Alliance ».
De son côté, Mitsubishi, dans un communiqué de presse va « proposer au conseil d’administration de déchoir rapidement Ghosn de son poste de président du conseil d’administration et de directeur représentatif de la MMC».
La crise de gouvernance est tout de même en ordre de marche. Un premier article du Financial Times reporte qu’un plan de rapprochement par Carlos Ghosn était à l’étude et que, selon une personne proche du Conseil, « le conseil d’administration [de Nissan] a toujours dit qu’il combattrait toute réorganisation ».
Chacun des acteurs va alors se ranger derrière des objectifs et des calendriers différents qui vont conduire à une destitution progressive pour Carlos Ghosn.
En France, le conseil d’administration de Renault indique dans un communiqué de presse que M. Ghosn étant temporairement empêché, il conserve son poste de Président-Directeur général et qu’il nomme à titre provisoire M. Thierry Bolloré en qualité de Directeur Général délégué. C’est donc Thierry Bolloré qui exercera la direction exécutive du groupe, disposant ainsi des mêmes pouvoirs que M. Ghosn.
Dans une note interne de Thierry Bolloré, communiquée aux salariés de Renault, le Financial Times rappelle que le constructeur au losange ne fustige pas son PDG déchu, au contraire : « En votre nom, nous tenons à exprimer ici tout notre soutien à notre président et directeur général ».
Cependant, le lendemain de l’arrestation de Carlos Ghosn, le 20 novembre 2018, à Tokyo, le tribunal approuve la prolongation de la garde à vue de Carlos Ghosn de 10 jours (soit jusqu’au 30 novembre 2018).
Le 22 novembre, chez Nissan, et tel qu’annoncé par Hiroto Saikawa deux jours plus tôt, le conseil d’administration de Nissan annonce la révocation, à l’unanimité, de Carlos Ghosn et Greg Kelly.
Même décision chez Mitsubishi le 26 novembre.
Très vite, Carlos Ghosn est lâché au profit du maintien d’une Alliance de façade. Bien que le Conseil d’Administration de Renault-Nissan-Mitsubishi réitère sa motivation dans un message du 29 novembre 2019, tous les cénacles politiques, médiatiques ou économiques doutent que cela ne suffise à remettre l’ensemble sur les rails après le séisme provoqué par la destitution de Carlos Ghosn.
Selon la publication spécialisée Automotive IQ, certaines questions sont même gênantes au sein de l’Alliance :
« Alors que la partie française semble avoir été prise de court par les événements qui se déroulent, Saikawa, qui s’oppose à une fusion entre les entreprises, cherche ouvertement à améliorer la position de négociation du constructeur automobile japonais dans le cadre d’un partenariat qui, selon lui, favorise depuis trop longtemps la partie française. … Mais si Ghosn le dirigeant peut être supprimé, l’héritage de Ghosn en revanche sera beaucoup plus difficile à remplacer »
Peter Els, Automotive IQ, 27 novembre 2018