Déclaration de Carlos Ghosn
(Déclaration originale en anglais.  Traduction française pour référence seulement.)

Votre Honneur,

Je vous suis reconnaissant de me donner enfin l’opportunité de m’exprimer publiquement.  J’ai hâte de pouvoir commencer à me défendre contre les accusations qui ont été portées contre moi.

Tout d’abord, permettez-moi de dire que Nissan est une entreprise que j’aime et que j’admire sincèrement.  Dans le travail que j’ai accompli, je suis convaincu d’avoir toujours agi avec honneur, droiture, dans la légalité, et avec l’approbation des dirigeants de l’entreprise concernés, et ce, dans le seul but de soutenir et de renforcer Nissan et d’aider l’entreprise à retrouver sa place parmi les entreprises les plus respectées du Japon.

A présent, j’aimerais m’exprimer sur les faits qui me sont reprochés :

1.         Les contrats de change à terme

Lorsque j’ai rejoint Nissan et que j’ai déménagé au Japon il y a près de 20 ans, j’ai souhaité être payé en dollars américains, mais il m’a été notifié que cela n’était pas possible et j’ai signé un contrat qui stipulait que ma rémunération serait en yens. Depuis longtemps la volatilité du yen par rapport au dollar américain est un sujet de préoccupation pour moi car mes enfants vivent aux Etats-Unis et j’ai des liens étroits avec le Liban, dont la monnaie a un taux de change fixe par rapport au dollar américain.  Je voulais que mon revenu puisse être prévisible afin de prendre soin de ma famille.

A cet égard, j’ai conclu des contrats de change pendant toute la durée de mon mandat chez Nissan, à partir de 2002.  Deux de ces contrats sont en cause dans la présente procédure.  L’un d’eux a été signé en 2006, lorsque le cours de l’action Nissan se situait autour de 1500 yens et le taux yen/dollar autour de 118.  L’autre a été signé en 2007, lorsque le cours de l’action Nissan se situait autour de 1400 yens et le taux de change yen/dollar autour de 114.

La crise financière de 2008-2009 a fait chuter l’action Nissan à 400 yens en octobre 2008 et à 250 yens en février 2009 (en baisse de plus de 80 % par rapport à son plus haut) et le taux de change yen/dollar est tombé en dessous de 80.  C’était une tempête que personne n’avait vu venir.   Tout le système bancaire a été paralysé et la banque a demandé une augmentation immédiate de mes garanties sur les contrats, ce que je n’étais pas en mesure de faire.

J’ai été confronté à deux choix complexes :

  1. Démissionner de Nissan, afin que je puisse percevoir mon allocation de retraite, que j’aurais pu ensuite utiliser pour fournir les garanties nécessaires.  Mais mon engagement moral envers Nissan ne me permettait pas de me retirer pendant cette période cruciale ; un capitaine ne saute pas d’un navire au milieu d’une tempête.
  2. Demander à Nissan d’assumer temporairement la garantie, à condition qu’il n’en coûte rien à l’entreprise, le temps que je mette en place une autre garantie.  

J’ai choisi l’option 2.  Les contrats de change m’ont ensuite été transférés sans que Nissan ne subisse aucune perte.   

2.         Khaled Juffali

Khaled Juffali a toujours été un soutien et un partenaire de longue date de Nissan.  Pendant une période très difficile, la société Khaled Juffali Company a aidé Nissan à trouver des financements et à résoudre un problème complexe impliquant un distributeur local. En effet, Juffali a aidé Nissan à restructurer des distributeurs en difficulté dans toute la région du Golfe, permettant à Nissan d’être en mesure de rivaliser avec des concurrents tels que Toyota, qui  surperformait par rapport à  Nissan.  Juffali a également aidé Nissan à négocier la construction d’une usine de production en Arabie Saoudite, en organisant des réunions de haut niveau avec des responsables saoudiens.

La société Khaled Juffali Company a reçu une rémunération appropriée – un montant divulgué aux dirigeants concernés de Nissan et approuvé par ceux-ci – en échange de ces services essentiels qui ont bénéficié à Nissan. 

3.         Les accusations FIEL

Quatre grandes entreprises ont cherché à me recruter alors que j’étais PDG de Nissan, dont Ford (par Bill Ford) et General Motors (par Steve Rattner, le tsar de l’automobile sous la présidence de Barack Obama).  Même si leurs propositions étaient très séduisantes, je ne pouvais en toute conscience abandonner Nissan alors que nous étions en plein redressement. Nissan est une entreprise japonaise emblématique à laquelle je tiens profondément.  Bien que j’ai choisi de ne pas donner suite à ces propositions, j’ai pris note de la rémunération que ces entreprises m’avaient proposée.

Il s’agissait d’un point de repère personnel que j’ai gardé en tête pour l’avenir et quin’avait aucun effet juridique, n’a jamais été partagé avec les administrateurs, ni représenté un quelconque engagement contractuel.  En réalité, les diverses propositions de clauses de non-concurrence et de services de conseil après la retraite, qui avaient été avancées par certains membres du conseil ne reflétaient ni ne faisaient référence à mes propres calculs, mettant en évidence leur nature hypothétique et non exécutoire.

Contrairement aux accusations des procureurs, je n’ai jamais reçu de Nissan une indemnisation qui n’ait été divulguée et n’ai jamais conclu de contrat ayant force exécutoire avec Nissan pour percevoir un montant fixe qui n’aurait pas été rendu publique.  De plus, ma compréhension est que tout projet de proposition d’indemnité de départ à la retraite avait été examinée par des avocats internes et externes, ce qui démontre que je n’avais pas l’intention d’enfreindre la loi.  Pour moi, c’est poser « l’hypothèse du décès » :  si je décède aujourd’hui, mes héritiers pourraient-ils demander à Nissan de payer autre chose que mon allocation de retraite ?  La réponse est un “non” sans équivoque.

4.         Contribution à Nissan

J’ai consacré deux décennies de ma vie à faire revivre Nissan et à bâtir l’Alliance.  J’ai travaillé jour et nuit pour atteindre ces objectifs aux côtés des employés de Nissan partout dans le monde, pour créer de la valeur.  Les fruits de notre travail ont été extraordinaires.  Nous avons transformé Nissan, la faisant passer d’une entreprise endettée à hauteur de 2 trillions de yens en 1999 à une trésorerie positive de 1,8 trillions de yens à la fin de 2006 ; de 2,5 millions de voitures vendues à forte perte en 1999 à 5,8 millions de voitures vendues avec profit en 2016.  Les actifs de Nissan ont triplé au cours de la période.  Nous avons assisté à la renaissance d’icônes comme la Fairlady Z et la Nissan GTR ; à l’entrée industrielle de Nissan à Wuhon en Chine, Saint-Pétersbourg en Russie, Chennai en Inde et Resende au Brésil ; au  lancement pionnier d’un marché de masse pour les voitures électriques avec la Leaf; au démarrage des voitures autonomes ; à l’introduction des moteurs Mitsubishi dans l’Alliance et au fait que l’Alliance est devenue le premier groupe automobile mondial en 2017 avec plus de dix millions de voitures produites annuellement.  Nous avons créé, directement et indirectement, d’innombrables emplois au Japon et fait de Nissan un pilier de l’économie japonaise.

Ces réalisations – obtenues aux côtés de l’équipe hors pair des employés de Nissan dans le monde entier – sont ce dont je suis le plus fier et, avec ma famille, l’une des plus grandes joies de ma vie.

5.         Conclusion

Votre Honneur, je suis innocent des accusations portées contre moi.  J’ai toujours agi avec intégrité et je n’ai jamais été accusé d’un seul acte répréhensible au cours d’une carrière professionnelle longue de plusieurs décennies.  J’ai été accusé à tort et injustement détenu sur la base d’accusations sans fondement. 

Merci, Votre Honneur, de m’avoir écouté.